« Je me décide à faire descendre mon bras. À mi-hauteur,je touche de l’humus soyeux, puis, en rendant mes doigts crochus, je sens une surface plane, mais dure. Mes paroles tremblantes ont du mal à sortir ; je dis à Bat: « Maria Maddalena Metronelli est là! »
Il me regarde presque incrédule. Alors, de mon poing serré, je frappe trois coups sur le cercueil de plomb qui fait un bruit aussi creux et fort que celui d’un tambour. Ce son a pour effet de redresser d’un bond mon complice et de me faire sursauter. Effrayé, à la va-très-vite, j’extirpe mon bras du caveau de la défunte, comme si la morte allait s’agripper. Bat a recouvré ses esprits, je lis dans ses pensées : « Ne parler à personne pour l’instant de notre trouvaille… »
…avoir onze ans dans la Corse de la dernière guerre c’est vivre les évènements avec une candeur et une gravité propre à cet âge. Le jeune narrateur de ce journal intime retrouvé affronte la vie au coeur d’un village suffisamment reculé pour que même la route n’y soit pas encore parvenue. Les échos de la guerre lointaine y sont pourtant bien audibles. La menace des chemises noires et des boches, l’économie de survie, les comportements dictés par la peur ou l’envie, les disparitions nocturnes des hommes de la maison, les récits épouvantables des anciens de 14-18, tout cela est la toile de fond sur laquelle, au quotidien, il faut bien grandir, avec ses questions d’enfants et ses désirs de devenir enfin un homme. Dans cette Corse recroquevillée, retrouvant les réflexes de survie d’antan, la modernité entonne plus que jamais son chant des sirènes et le départ pour le continent apparaît comme une alternative audacieuse, un au-delà rêvé. »
Encore un superbe bouquin, un de plus me direz-vous…mais je n’en démords pas, la Corse recèle de nombreux talents parmi ses écrivains. L’histoire se passe à Volpaghjola, minuscule village coincé entre la Cinarca et la Castagniccia durant cette fameuse année 1943, année ou la Corse comptait plus de 80.000 italiens sur son territoire.
Encore un livre qui nous plonge dans les traditions, que ce soit la « tumbera », la fabrication du fromage, le « fucone » avec ses radaghji et sa banca, la vie des capraghji, l’enseignement ou le parler corse est formellement interdits. Un village où le progrès n’est pas encore arrivé, où la débrouille règne en maîtresse absolue, le marché noir avec ses risques et ses innombrables pièges, l’attachement viscéral à la famille et aux traditions, les mariages et les enterrements, bref, encore un livre qui nous plonge dans la corse profonde et où l’on apprend un tas d’éléments les uns plus intéressants que les autres sur la vie rurale, déjà souvent pénible en temps normal, mais là, on y ajoute la guerre. Un livre qui se lit très facilement et qui vous entraîne, chapitre après chapitre dans une aventure humaine des plus intéressante.