La violence dans les campagnes corses du XVIè au XVIIIè siècle (A-M Graziani)


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Longtemps la question de la violence a été traitée de façon réductrice, en la renvoyant au seul phénomène du banditisme. La lecture romantique de la vendetta a abouti à la construction d’un banditisme « d’honneur », pour touristes et cartes postales avant de l’être pour les Corses eux-mêmes par un jeu de miroir. La réalité est tout autre si l’on interroge des périodes plus anciennes.

Pour point de départ à toute analyse il faut prendre en compte le double jeu évident et des autorités génoise et des élites insulaires. Les Génois, niant l’extrême variété des situations conflictuelles, mettent en place par étapes un arsenal répressif et, considérant que la violence dans l’île se réduit à la seule vendetta, ils affichent la répression comme unique réponse, tout en privilégiant constamment le traité de paix et l’arrangement entre les familles. D’autant que les effectifs engagés, souvent trop faible, ne permettent pas de faire face à toutes les situations, créant les conditions d’une légitimation de la violence, aux origines des révolutions de l’île. Et les élites insulaires soutiennent alors le plus souvent cette politique, sans se priver d’initier les vendettas et d’en organiser leurs règlements. Dans ce cadre, le rôle du clergé, assez secondaire à l’origine, devient progressivement prépondérant.

Face à un pouvoir faible, le groupe familial met en place les conditions de sa survie, par la manifestation constante de sa force, exprimée par le nombre d’individus et l’échange matrimonial, une architecture défensive et le recours à la violence lorsqu’il se sent menacé. En se livrant à un examen des multiples situations, source de conflits, Antoine-Marie Graziani montre sans ambigüité que la violence ne saurait ramenée au seul phénomène de la vendetta : mutilations d’animaux ou d’arbres, destruction de récoltes ou de troupeaux, viols, enlèvements, empoisonnements, ce catalogue n’a de sens qu’à travers l’analyse de contextes différents.

Les règlements des conflits sont basés sur la loi du talion, compromis entre la notion aristocratique de l’honneur et celle marchande de l’échange. En ne conservant que l’honneur, la présentation romantique en a dévoyé le sens. Mais la présentation philosophique récente, abstraite, des notions de justice et de violence, n’est pas plus éclairante : rien de plus concret au contraire dans les traités, que le lien entre paix et paiement, entre justice et règlement. Par-là, la Corse rejoint la grande cohorte des pays méditerranéens touchés par le phénomène de la violence, dont elle peut même apparaître comme une sorte d’archétype. Quant à la situation de la femme dans ce cadre-là, elle n’est pas des plus réjouissante : promise souvent très jeune, victime fréquemment de son époux, elle reste « l’oiseau de passage » décrit par Cristiane Klapisch-Zuber, plus dépendante de sa famille de départ que de celle qu’elle crée avec son mari.

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