Choisir la Corse comme terrain d’investigation anthropologique pose un certains nombres de préalables méthodologiques, théoriques, éthiques. car, au fond, depuis les premiers observateurs, depuis les premiers voyageurs jusqu’aux analystes contemporains , est-on si sûr de connaître la Corse ? Ces quelques choses que l’on sait d’elle ne constituent-elles pas au fond un écran de savoirs qui épaissit le mystère ? Ne sont-elles pas comme les pièces de ce puzzle dont on aimerait qu’une fois assemblé il projette l’image attendue, celle d’une cohérence soupçonnée, désirée, rassurante ?
Et le tableau finale est-il réel ou simplement l’aboutissement du regard de l’observateur ? Un regard tout puissant, parce que bâtisseur de sens …
La question qui se pose à l’anthropologue impétrant est ici – comme ailleurs – de nature à le renvoyer aux fondements de l’exercice même de sa discipline. Comment appréhender un positionnement vis-à-vis de cet objet tentant sans le nier ou l’exalter ? Comment respecter la distance nécessaire et suffisante sans le détruire ou l’éloigner fatalement ?
Comment voir ce qui est visible et connaître ce qui, par essence, restera invisible ?
Et si le véritable commencement consistait simplement à s’intéresser à l’anthropologie du regard anthropologique ?
Voici donc un essai où la Corse – et plus particulièrement le petit village de Sarolla-Carcopino- devient le moteur heuristique d’une anthropologie en mouvement s’intéressant à l’infini dialogue entre l’observant et l’observé, l’analyste et son objet, curieux couples à la naissance d’une épistémologie résolument non-touristique.