La Corse connait depuis ces dernières années, une terrifiante montée en puissance de la criminalité, ponctuée d’une litanie de meurtres dont le taux, eu égard à la population, est l’un des plus élevés d’Europe. Ce dramatique crescendo prend son origine dans une mutation du banditisme, issu d’une histoire corse particulière et dont l’évolution actuelle est liée à de profonds bouleversements sur fond de mondialisation et de crise, internationale et locale
Cette situation donne lieu dans les médias français et le discours dominant, à des analyses corsophobes sur les instincts…génétiquement meurtriers des Corses, et à des amalgames instrumentalisés, tendant à assimiler criminalité et violence de droit commun avec la revendication politique nationaliste. Ces thèses stigmatisantes empêchent d’établir un véritable diagnostic du fléau. Elles renforcent le fatalisme, accréditant chez les Corses eux-mêmes, l’idée d’une identité criminogène qui serait à l’origine de la situation actuelle et contre laquelle il serait impossible de lutter !
Le développement de la criminalité a au contraire des causes socio-politiques très tangibles. Leur analyse ne peut être établie sans évoquer le système politique insulaire, marqué par le clanisme, mais aussi les stratégies troubles de l’Etat vis-à-vis de la revendication nationaliste, de groupes criminels en recomposition ou d’une nébuleuse économico-politique émergente…On assiste aujourd’hui la mise en place d’une criminalité organisée, qui vas dans le sens d’une véritable « mafiosisation », le mot étant entendu comme l’établissement d’une mafia « made in Corsica » différente des modèles italiens, et qui n’a rien à voir avec les traditionnels clichés véhiculés sur l’Île. Le système criminel insulaire est en effet lié à des sphères politico-économique françaises historiquement proches du pouvoir d’Etat depuis des décennies.
Aujourd’hui, le néo banditisme qui a pris forme après une redistribution des cartes, opérée à partir du milieu des années 90, est en passe de mettre la Corse en coupe réglée. Si une alternative n’est pas dégagée pour empêcher un pouvoir mafieux de faire main basse sur la Corse, c’est l’avenir de l’Île qui est désormais hypothéqué.